Donbass 2015,
Les réfugiés de Rostov sur le Don (Russie)
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Je ne savais pas, lorsque j'ai décidé de partir dans le Donbass, que l'on ne peut pas imaginer la guerre. Je suis partie comme photographe, accompagnée d'un camarade, aussi soucieux que moi de médiatiser cette guerre oubliée dans nos pays occidentaux. Notre but était de rencontrer les populations, parler et enfin témoigner avec photos à l'appui.
Nous voulions montrer, nous devions montrer ce qu'était en réalité, la guerre, sans parti pris, sauf celui de la population.
Depuis, mes nuits ne sont plus les mêmes, le silence m'effraie, il annonce le bruit d'une bombe qui tombe. Depuis, les cris des enfants, les aboiements, le cri des oiseaux, m'effraient, je pense à tous ceux que nous nous avons laissé, là-bas, et qui nous réclamaient : « Dites leur, dites leur ce que nous vivons, que nous mourront, que nous fuyons... C'est ça la guerre, la peur permanente de recevoir une bombe, de devoir partir, de tout laisser, les chiens, les chats qui continuent de hurler seuls dans la ville, de perdre les gens qu'on aime, de les savoir tués alors qu'ils s'engagent dans la résistance contre l'état fasciste de Kiev qui leur promet un massacre, de perdre des enfants ou de devoir s'occupper d'orphelins C'est par ces mots et témoignage que notre périple a commencé, à Rostov, dans un camp de réfugié : « le camp Grekov ».
La Russie accueille les réfugiés et dans de bonnes conditions. Le camp en question est en fait la maison d'un Businessman, qui met sa maison à disposition d'une centaine de réfugiés, les plus pauvres (beaucoup d'autres ont la chance d'avoir trouvé un travail et un logement ainsi que la possibilité d'envoyer de l'aide à leur famille restée dans le Donbass). Pour autant, ces réfugiés ne vivent pas très bien, et s'ils se sentent soutenus par le Gouvernement Russe, ils nous demandent de diffuser leur histoire. Ce camp fut le premier témoignage poignant de cette peur de mourir. Alors que nous discutions avec Irina, une des mères réfugiée, la pluie s'est mise à tombée et aussitôt les enfants sont partis se cacher en criant sous les tables. Ils ont même peur de la pluie... A la fin de cette belle rencontre, ils pleurent en pensant retourner chez eux, en Ukraine, arguant qu'ils ne sont que Russophones (Parlant le Russe et étant d'origine d'ex pays d'Union Soviétique), et que les griefs nazis ne sont rien à côté de ce génocide auquel ils ont échappé. J'espère qu'une fois la guerre finie, ils pourront rentrer et continuer leur bataille pour un état démocratique.
Nous nous sentons aussi obligés de lui demander ce qu'ils pensent du point de vue des médias Français, sur l'implication de la Russie dans ce conflit, sa réponse est claire elle brandit son torchon en poussant un « Pfff » nous comprenons la suite de sa phrase que je traduirais sans les gros mots « C'est idiot et n'importe quoi, nous savons qui nous bombarde là-bas » [le reste sera censuré].
Donbass 2015
Dans la ville bombardée, désertée, tuée...
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L'eau potable se prend à la fontaine de l'église
Le Musée d'Histoire Naturelle, Bombardé alors que des dizaines de personnes étaient là
L'eau potable se prend à la fontaine de l'église
Fort de cette expérience troublante, nous voilà déjà dans le Donbass, où nous sommes pris en charge à la frontière par un Militaire "Baloo"
Lors de cette traversée avec Baloo, je photographie des villes mortes, avec par endroits des mini-buttes qui ne sont dans ce paysage habituellement plat, que des fosses communes relatant les combats récents. Scènes que je me refuse à photographier, mon courage et voyeurisme ayant ses limites. L'herbe repousse, le paysage reste désert.
Baloo nous emmène vers une cathédrale ; il ya a une fontaine et nous pouvons observer des files de gens remplissant des bidons d'eau, l'eau courante des villages alentours n'étant plus potable ; En détournant un peu les yeux, nous découvrons tous les bâtiments détruits et au fil du voyage vers Donetsk, ce milicien nous fait découvrir tous les dégâts de la guerre.
Sur Donetsk, nous découvrons une ville morte. Les magasins sont fermés , à part un supermarché, un café, et quelques personnes peu bavardes, la tête baissée, le regard fuyant et vous insultant à la seule vue d'un objectif. On me prévient dans un Russe rudimentaire, que je comprends « Rentre avant 17 heures, les bombes vont se remettre à tomber, mais rassure-toi, les immeubles sont solides. Ici tu es en sécurité...
_ "Da Ia panimaiou" [traduction : Oui, je comprends]
« L'OSCE est présente sur la ligne de front, mais dès la journée terminée, l'armée Ukrainienne recommence à bombarder et on ne sait jamais où ça tombe. Tout le monde ferme les yeux».
Je sens encore ce regard accusateur, cette méfiance sur ce que je représente pour eux. D'ailleurs, nous n'osons plus dire que nous sommes Français. Ces gens ne savent que trop bien ce que nous racontons en France, ils prennent les devant avec nous. Ceux qui ne nous crachent pas dessus ou nous insultent, ceux-là nous racontent... Ils ne sont pas dupes, ils savent que les bombes qui tombent sur les villes du Donbass, ne sont pas Russes, ils nous confient aussi que des armes légères européennes circulent parmi l'armée de Kiev. La suite des événements nous prouvera la présence d'armes lourdes américaines.
La nuit, nous dormons avec le bruit des bombes qui tombent, suivies des détonations des éclats d'obus qui, nous l'imaginons, s'immortalisent dans les murs ou les corps. Ici, je suis en sécurité, on est loin de la ligne de front...
Ici, à Donetsk on me dit : « On est loin de la ligne de front, ne t'inquiète pas »
Da, je suis en sécurité
Finalement, on n'est pas loin, on est dans la guerre, les bombes, les éclats des obus, et soudain, une détonation nous réveille, à Minuit, assez forte pour faire trembler l'immeuble où nous dormons.
Nous avons du mal à nous rendormir. Malgré tout, le lendemain matin, je veux me rendre sur place, « c'est dangereux, me dit-on », je m'en fiche, je veux voir , je veux voir qui a-t-on encore tué... Ce missile, n'est tombé qu'à 2 km de notre logement.
La guerre a fait des dégâts, des morts, des réfugiés, mais a aussi enfanté la peur, la pauvreté, les maladies, le chomage. Dans cette pauvreté, la solidarité s'organise, on essaye d'aider les dizaines de gens fouillant les poubelles.
Nous passons au retour par la gare de Donetsk, détruite, les rues toujours vides et les obus traversant les immeubles. Les commerces désespérément fermés, le sang sur les murs, la peur sur le visage des gens et sur le mien. Moi, je peux rentrer quand je veux...